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Un appelé à Tlemcen 1961
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Un appelé à Tlemcen 1961

Voilà déjà deux mois, passés d’une semaine, que je suis à Tlemcen.

J’ai pris mes marques, comme on dit couramment, je me suis organisé, j’ai un boulot plutôt peinard, j’ai un noyau de copains, je peux survivre. Oui, mais mon épouse me manque, ma famille, mon pays!

D’ailleurs à quoi voulez-vous penser quand vous êtes de garde, la nuit, dans un mirador à un angle des murs de la caserne. Il fait froid mais je suis bien couvert. Je scrute le ciel, il est clair, plein d’étoiles. Je tends l’oreille, la nuit est calme. Alors je replonge dans mes pensées, tout ce temps perdu, tous ces blessés, ces morts et pourquoi? Inéluctablement tout ceci aura une fin, oui, mais quelle fin?

Je tourne en rond. Nous sommes samedi, Audab m’a promis de m’amener au Djebel manger une chorba, des tajines, des makroudhs, ces petits gâteaux fourrés aux dattes et enduits de miel. La garde s’achève, retour au poste, puis dans nos chambres. Un peu de toilette, je me rase en vitesse pour rejoindre le Comtrans.

Me voilà assis à ma table de travail, je ne suis pas arrivé le dernier, le courrier n’est pas arrivé. Nous sommes le 22 avril 61, j’allume le transistor et soudain le choc!

Le général Challe parle sur radio France V.

« Je suis à Alger avec les généraux Zeller et Jouhaud, en liaison avec le général Salan pour tenir notre serment. Le serment de l’Armée de garder l’Algérie pour que nos morts ne soient pas morts pour rien! »

Abasourdi, je me raidis sur ma chaise, des annonces suivent. Dans la nuit les légionnaires du 1er R.E.P., les Paras des 14° et 18° R.C.P. se sont rendus maîtres d’Alger, la population les acclame. Dans la journée le Constantinois, l’Oranais devraient suivre le mouvement. Les commentaires s’enflamment, un espoir s’est levé, toute l’Algérie s’embrase et brûle de rester française.

Le Colonel et le Lieut. passent dans le couloir, muets. Ils filent sans doute à l’État-major.

Nous sortons tous de nos bureaux.

— Quel merdier, lance André J.!

Il avait son poste allumé, lui aussi. On ne dira jamais assez, combien les postes transistors ont joué un rôle déterminant dans cette phase du conflit.

— C’est une insurrection, dit Hamy, l’armée d’Algérie tente de prendre le pouvoir.

Audab s’emporte.

— Quelle connerie, et le contingent, c’est nous l’armée d’Algérie, on ne nous demande pas notre avis? Je ne suis pas d’accord, j’espère que tous les appelés vont réagir.

Réagir? Mais comment, où? Nous tournons en rond dans ce sacré couloir! En rond, le terme est inapproprié puisque le couloir était tout en longueur!

La radio a surtout parlé d’Alger, mais Alger ce n’est pas toute l’Algérie. La Légion, les Paras, ce n’est pas toute l’armée. Que vont faire l’Aviation, la Marine? Et en France, l’Armée est tout de même républicaine! Et la gendarmerie?

Toutes ces questions tournent dans nos têtes.

Claude-René Souquet, Tlemcen, Nombre 7 éditions, 2018.

Tlemcen est le tableau, vu à travers le filtre d’un jeune français, arraché à son milieu familial, d’une période trouble et agitée de l’Histoire de France. Il relate une étape de la vie de l’auteur et la fin de 

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